Notre point de vue: le Cloud Gaming sonne-t-il la fin des consoles?

  Bonjour;

  Quelle étrange situation que celle du jeu vidéo à l’heure actuelle. Quand Nintendo inaugure, comme à son habitude, une nouvelle génération de console avec la Nintendo Switch, Sony et Microsoft préfèrent rester sur la génération précédente et sortir des consoles de mi-génération. Bien que les deux constructeurs aient de bonnes raisons de continuer à exploiter la PlayStation 4 et la Xbox One, c’est bien la première fois que ces deux géants lancent des consoles de milieux de génération en même temps. La chose est habituelle avec les consoles portables de Nintendo; en témoigne la (le?) GameBoy Color, la Nintendo DS Lite, la Nintendo DSi et les New Nintendo 3Ds et 2Ds. En revanche, il est assez rare de voir un tel phénomène avec des consoles de salon.

  Plus étrange encore, les PS4 Pro et Xbox One X arrivent avec un argument commun: la montée en puissance pour pouvoir afficher des jeux en 4K HDR. Dans le même temps, les offres de Cloug Gaming se développent de plus en plus en promettant une expérience de jeu en très haute définition et fluide; le tout sans avoir besoin d’acheter une machine particulièrement puissante. Beaucoup d’analystes nous annoncent même la mort imminente des consoles! Pourtant, Sony et Microsoft ont bien l’intention de continuer à proposer des machines bien physiques avec des puissances toujours plus impressionnantes. Nous avons même eu droit tout récemment à un aperçu du design de la future Xbox Series X et à quelques images du premier jeu à sortir sur Playstation 5: Godfall. C’est à se demander pourquoi les géants du secteurs continuent d’insister sur le terrain des consoles alors que le Cloud Gaming semble être bien plus avantageux pour les joueurs. Voici ce que nous en pensons…

De nouvelles consoles toujours plus puissantes.

  Tout d’abord, il faut que nous vous expliquions brièvement notre vision du monde vidéo-ludique. Cette « vision » est personnelle et donc subjective mais elle est indispensable pour suivre notre raisonnement. Pour nous, le jeu vidéo a pour objectif d’amuser le joueur en le faisant sourire ou bien en lui transmettant des émotions. En d’autres termes, il doit divertir et s’inscrire dans l’industrie du divertissement. C’est pourquoi nous ne sommes pas trop attaché à l’e-sport; non pas que nous ne trouvons pas l’aspect compétitif intéressant mais quand les joueurs commencent à prendre le jeu trop au sérieux, l’aspect amusant laisse place à l’appât du gain alimenté par les paris que nous trouvons mal-sains dans l’univers du sport en général.

  Pour faire une comparaison avec un autre domaine du divertissement, un bon jeu vidéo c’est comme un bon film: ce ne sont pas les effets visuels et le budget qui donneront une âme à l’œuvre, ce sont l’histoire, le(s) message(s) transmis, la direction artistique, le jeu des acteurs et la réalisation qui feront le gros du travail. Il faut ajouter au jeu vidéo le gameplay qui tient une place très importante. Ainsi, un jeu en 4K visuellement magnifique avec un open world sans aucun bug ne vaudra pas grand chose s’il n’a rien à nous dire ou rien à nous transmettre. C’est aussi pour cela que les modes « aventure » ou « histoire » nous tiennent à cœur et que les graphismes ne sont pas un facteur majeur dans nos tests (dans la limite du raisonnable tout de même).

Même si techniquement très simple, Yuri a des émotions à transmettre.

  Notre idée du jeu vidéo vaut pour n’importe quelle plateforme (PC, console, smartphone ou VR…). Mais comme vous devez vous en douter, chez La3ds nous sommes des « consoleux » ; comprenez par là que nous privilégions le jeu vidéo sur console. Nous sommes, plus particulièrement, attachés à la console portable qui est plus pratique à nos yeux qu’une console de salon dépendante de la télévision. Pour ceux qui nous suivent depuis un certains temps, vous savez sans doute que nous possédons uniquement des consoles Nintendo (depuis la septième génération tout du moins). Il y a une raison à cela: le gameplay. Comme écrit plus haut, le gameplay a une importance capitale dans le domaine du jeu vidéo et si nous préférons les consoles, c’est parce qu’elles sont les plus aptes à proposer un gameplay adapté au jeu vidéo. C’est d’autant plus vrai chez Nintendo: là où Sony et Microsoft se contentent généralement de travailler sur la puissance et la qualité d’image (on caricature un peu 😉 ), Big N a su nous proposer des expériences de jeu toujours plus inattendues. Le double écran dont une partie tactile sur la Nintendo DS, la motion control de la Nintendo Wii, le gameplay asymétrique de la Nintendo Wii U et enfin la console hybride aux manettes détachables nommée Nintendo Switch. Bien entendu, les concurrents ont essayé de proposer une nouvelle manière de jouer mais malheureusement pour eux, la firme nippone s’est accaparée le monopole sur ce terrain. Il est donc logique de retrouver Sony et Microsoft lancées dans une course à la puissance, une course que Nintendo aurait bien du mal à suivre avec ses innovations et son cœur de cible plus jeune.

La Wii U et son gameplay asymétrique.

  Mais c’est bien dans cette différence de gameplay que nous préférons les consoles. C’est cet avantage concurrentiel qui nous ne retrouvons pas sur un ordinateur ou sur un smartphone (malgré les accessoires). Nous n’allons pas nous attarder sur le débat PC vs consoles car nous n’en voyons pas l’utilité et il serait peut-être temps de revenir au sujet de l’article.


  Après ce petit à-côté, vous devez sûrement deviner l’un de nos arguments en faveur des consoles mais faisons les choses dans l’ordre. Le « Cloud Gaming » (ou jeu vidéo en streaming) propose de jouer à des jeux vidéo tournant sur des serveurs externes. Autrement dit, vous vous connectez à une plateforme en ligne qui sert de passerelle entre votre machine et les serveurs de l’offre à laquelle vous êtes abonnés. Ces serveurs font tourner le jeu vidéo à la place de votre appareil et vous transmettent l’image du jeu auquel vous jouez. Cette explication est un peu simplifié mais le concept est bien là: vous jouer à un jeu qui tourne sur un serveur à distance. Ainsi, peut importe la puissance de votre engin (ne pensez pas à mal s’il vous plaît), le jeu pourra tourner correctement. Cette nouvelle perspective offre de nouvelles possibilités comme jouer à un jeu sur n’importe quel écran (ordinateur, télévision, smartphone, frigo connecté…) et donc elle permet de se passer de ces machines qui nous servaient à obtenir la puissance nécessaire pour faire tourner un jeu: les consoles et les PC gamer.

  C’est en tout cas la vision de ces grands analystes qui enterrent les consoles avant même leurs morts. Mais, il y a un « mais ». Pour profiter de cette révolution numérique, il faut posséder une bonne connexion Internet. Et là, c’est le désastre. Beaucoup de personnes (dont nous 🙁 ) n’ont pas accès à un débit Internet assez élevé pour pouvoir jouer en streaming dans de bonnes conditions. Ne parlons pas des jours où il y a tout simplement des problèmes avec l’opérateur. Alors oui, la fibre se déploie petit à petit et ce n’est qu’une question de temps avant que la majorité de la population est accès à une connexion Internet très haut débit, mais cela veut donc dire que la mort des consoles n’est pas imminente. D’un autre côté, les jeux sont de plus en plus lourd et gourmand, il faut donc une connexion de plus en plus robuste. Mais, malheureusement pour nous, ce n’est pas la connexion qui se développe le plus rapidement mais l’appétit gargantuesques des jeux. De plus, que se passe-t-il lorsque l’on est en déplacement? Par exemple, pendant un voyage en train, il est possible que la sainte 4G+ (ou bientôt 5G) vous abandonne le temps de traverser quelques zones rurales où vous redécouvrez la connexion EDGE (ou 2G) et avec tout le respect que j’ai pour la SNCF, ce n’est pas le (la?) Wifi de votre TGV Inoui qui va pouvoir assurer votre partie.

  Prenons le cas de Stadia, le service de jeu vidéo à la demande lancé par Google qui, sur le papier, semble avoir toutes les cartes en main. Ils estiment que pour une connexion supérieure à 10 Mbit/s, il est possible de jouer en HD et qu’à 35 Mbit/s, il est possible de jouer en 4K HDR. Selon nous, ces estimations nous paraissent un peu trop optimistes. En théorie, cela fonctionne sans doute mais dans la pratique, c’est un peu comme l’autonomie ou la consommation des véhicules avec la norme NEDC , il y a une différence! Nous ne sommes pas du genre à être tatillons sur les graphismes mais sur dans le cas présent, il convient de l’être. Force est de constater qu’actuellement Stadia ne délivre pas de véritable 4K, et ce même avec une connexion musclée. A la limite, les utilisateurs  peuvent obtenir un flux 1080p x 1440p upscalé en 4K. Plus simplement, il s’agit d’une « fausse 4K » qui offre donc des graphismes moins bon que ce que peut fournir une Xbox One ou une PS4 Pro. Ce problème a été soulevé par plusieurs sites et magazines spécialisés (Eurogamer, Jeuxvidéo.com, …) ainsi que par des internautes très à cheval sur la qualité de leurs graphismes.

  Google rejette la faute sur les développeurs, affirmant que la connexion serait suffisante. Mouais… on y croit moyen… .

  Ce premier argument est quelque peu vu et revu mais pourtant, il reste le principal rempart à franchir pour tout les acteurs du streaming en général. Mais admettons que l’on arrive a passer outre ce problème de connexion, d’autres questionnements arrivent. Parmi les soucis qui se dressent sur le chemin Stadia et ses concurrents directs, il y a une question de propriété. « Je paye le jeu mais m’appartient-il?« , le problème s’est déjà posé avec Steam et la solution n’est pas clairement établie. Les Xbox Game Pass et PlayStation Now sont des services de streaming de jeu vidéo similaires à Netflix: on paye un abonnement et on peut jouer à tout le catalogue. Si on ne paye plus l’abonnement, on peut plus jouer à aucun jeu: normal me direz-vous, on ne payait que l’abonnement. Mais quand on paye l’abonnement et le jeu (au prix fort qui plus est), que se passe-t-il si tout s’arrête? Le jeu est perdu? Mais il a été acheté tout de même! Mais il n’appartient pas au joueur. Stadia limite les risques avec un service gratuit mais il n’y a aucune garantie concernant la propriété du jeu. On paye le droit de jouer au jeu et non le jeu en lui-même. Cela ne gênera pas certaines personnes, d’autres, au contraire, le seront.

  Quand à l’expérience de jeu, pouvoir jouer partout (non) sur n’importe quel écran: génial! Mais… on est loin d’un gameplay façon Nintendo. Loin de moi l’idée de critiquer la très ergonomique manette de Stadia mais des innovations comme ce que l’on a connu sur les consoles de salon seront difficiles à retranscrire avec un service de streaming. A moins de créer une machine qui permettrait d’exploiter ses fonctionnalités mais étrangement, cela existe déjà et on appelle cela « console de jeu vidéo » : saperlipopette!

Une multitude de supports mais une seule façon de jouer… .

  Pour finir, parlons de l’aspect économique. Stadia nous promet de pouvoir jouer où on le souhaite et quand on le souhaite mais ce n’est pas tout à fait possible; Stadia nous promet « toutes les façons de jouer » mais il n’y a que la taille et la résolution de l’écran qui varient; et enfin, Stadia nous promet des économies mais là encore ça ne va toucher qu’une petite catégorie de joueurs. Quand vous achetez une console, vous pouvez compter dessus entre 6 et 10 ans avant de devoir changer de génération pour accéder à une meilleure qualité et à de nouveaux titres. Quand vous achetez un smartphone ou une tablette, si vous l’utiliser comme console en plus des utilisations habituelles, combien de temps va durer la batterie? Je ne parle ici d’autonomie bien que ce soit un facteur important mais de la durée de vie de la batterie. Malheureusement, il ne faut pas plus de 4 à 5 ans avant que nos outils de poches deviennent obsolètes (performances en baisse, autonomie en chute libre, bugs, …). Bien entendu, on peut garder son smartphone très longtemps, mais avec une utilisation dite « normale », hors le jeu vidéo en streaming consommant autant que YouTube (sans parler du Bluetooth si on veut connecter une manette), le hardware ne fera pas 10 ans. De plus, pour jouer confortablement, il faut un écran assez grand. Nous nous voyons mal jouer à Destiny 2: The Collection sur un écran de 4,3″. Donc un écran assez grand et de bonne qualité, deux caractéristiques qui font monter les prix. Un prix à renouveler tout les 5 ans au minimum si on veut garder un temps soit peu de confort. L’écart économique n’est déjà plus si grand avec une console portable. Du côté de la télévision par contre, c’est un carton plein pour Stadia, les consoles de salon nécessitant elles aussi un bon téléviseur, il n’y a aucun frais spécifique au streaming qui justifierait l’achat d’une console de salon. L’économie serait donc entre 200€ et 500€ selon votre connexion Internet (et donc selon l’image que vous pouvez recevoir). Le dernier point économique concerne le prix quelque peu abusif des jeux sur Stadia mais ce point peut être amener à évoluer en fonction du succès de la plateforme, faire des comparaisons entre le streaming et le physique n’aurait donc pas de sens.

Un « smartphone gamer » ? Oui mais à quel prix? Voici l’Asus Rog Phone à partir de 800€.

  En conclusion: le Cloud Gaming ne sonne absolument pas la fin des consoles, néanmoins, cette alternative pour jouer au jeu vidéo n’est pas sans avenir. Avec une connexion fibrée, quand on joue à domicile, c’est même un concurrent crédible face à Microsoft et Sony. Mais beaucoup d’obstacles comme le peu de personnes disposant d’une connexion Internet suffisamment forte, le manque de réseau en déplacement et les coûts annexes pour jouer en mode portable empêchent encore le jeu vidéo en streaming de tenir toutes les promesses annoncées. C’est pourquoi, je ne vois pas le Cloud Gaming comme un « tueur » de consoles mais plutôt comme une solution complémentaire. Assassin’s Creed Odyssey sur Nintendo Switch en est le parfait exemple. Le jeu étant trop lourd pour la console, les joueurs nippons peuvent en profiter grâce au streaming. Le prix est encore une chose à revoir (72€ les 730 jours) mais l’alchimie semble fonctionner. Quand la connexion ne le permet pas, on peut profiter du catalogue de jeu d’une console restreinte par ses performances (qui définissent son prix) et quand on en a l’occasion, il est possible de jouer à des jeux techniquement plus exigeants tout en profitant de l’ergonomie offerte par la console.

Si le streaming vient à se développer, c’est bien la course à la puissance que se livre actuellement Sony et Microsoft qui deviendra désuète. Avec des prix de plus en plus élevés pour obtenir des graphismes de plus en plus beaux, le risque est d’en oublier le principal atout d’une console: son ergonomie et son gameplay.

Ring Fit Adventure est un exemple d’expérience de jeu « différente » .

Nous vous souhaitons un bon réveillon et vous donnons rendez-vous prochainement, en 2020, pour notre test sur Luigi’s Mansion 3! 😉

La3ds